“爱国主义与民族主义完全相反,民族主义是对爱国主义的背叛”
编者按:昨天,11月11日,法国总统马克龙与数十位世界*齐聚巴黎,纪念第一次世界大战结束100周年。马克龙在凯旋门前发表演讲,称“民族主义是对爱国主义的背叛,‘自身利益优先,不必在乎他人’这种言论,抹去了一个国家最珍贵的东西、赋予它生命力的东西、使其伟大必不可少的东西:它的道德价值。”
同样作为百年前的参战国,日本副首相兼财务大臣麻生太郎出席现场,并未有中国*出现在此次纪念仪式上。
1918年11月7日上午10点左右,当军号手皮埃尔·塞利尔下士(Pierre Sellier)首先吹响停火的号声时,人们简直不敢相信。随后,他们缓缓离开阵地。同时,沿着战线,停火的号声被不断吹出,渐传渐远。在各地的钟声逐步把消息带往全国之前,向死者致意的丧钟也一并响起。
1918年11月11日早上11点,一百年以前,恰是这个日子,恰是这个时间,如同全法的其他地区一样,军号声、所有教堂的钟声响彻巴黎。
这是停战之时。
这是死伤惨重的战争的终结,它持续了漫长而可怕的四个年头。然而,停战并不意味着和平。在东方战场,接下来的几年时间,可怕的战争仍在继续。
同一天,法国人和他们的盟友在这里庆祝胜利。他们为自己的祖国和自由而战。为此,他们承担了所有的牺牲和痛苦。他们经历了没人能想象的地狱。
我们应该花一点时间,回顾这一庞大的战士队伍,其中有来自首都和帝国各地、来自外籍军团(légionnaires)和加里波第军团(garibaldiens)的士兵,与其他来自全世界的外国战士。对他们来说,法国代表着世界上所有美好的事物。
在佩荣(Peugeot)——战争中死去的第一位士兵,与特雷比雄(Trébuchon)——为法国捐躯的最后一人,他死于停战前的最后十分钟——的身影下,我们还看到死守杜奥蒙堡(Drouaumont)的军官莱伯·杜佩(Kléber Dupuy)、阿波利奈尔(Apollinaire)、隶属外籍军团的布莱斯·桑德拉(Blaise Cendrars)、巴斯克军团、布列塔尼军团和马赛军团的战士、那时还不为人所知的戴高乐将军、站在*医院门前的美国人朱利安·格林(Julien Green)、蒙特朗(Montherlant)和吉奥诺(Giono)、在最初的几周阵亡的夏尔·佩吉(Charles Péguy)和阿兰·富尼耶(Alain Fournier)、来自俄罗斯奥伦堡(Orenbourg)的约瑟夫·凯塞尔(Joseph Kessel)。
以及其余所有的士兵,其余所有属于我们的士兵。或更确切地说,我们属于他们。从科西嘉岛洒满阳光的高地到阿尔卑斯山的山谷,从索洛涅(注:法国北部地区,一战期间美国陆军工程兵部队曾在此驻扎建立大型供给营地,为协约国军队提供后勤支持)到孚日(注:靠近法德边境的山区地带,一战期间为前线战场),从拉兹角(注:位于法国的西面最尽头)到西班牙边境,我们可以在每个纪念碑上读到他们的名字。是的,法国只有一个,无谓农村或城市、无谓资产阶级、贵族还是平民,无谓何种肤色,在这里,神甫与反教权者们一同受难,他们的英雄主义和痛苦造就了我们。
这四年中,欧洲险些自取灭亡。人们深陷在无情的冲突所构成的丑陋迷宫中,身处吞噬所有战士的地狱,无论他们的国籍是什么,无论他们属于哪一方。
在停战后的第二天,开始了对死伤致残人员与失踪者的统计。 在法国,也在其他所有参战国家里,这些家庭几个月来对她们父亲、兄弟、丈夫、未婚夫回归的等待都将化为徒劳。在那些缺席的人中,也有参与战斗的令人钦佩的女性牺牲。
1000万人死亡。
600万人受伤致残。
300万女士成为寡妇。
600万孩童沦为孤儿。
数百万平民受害。
仅在法国的土地上,就发射了10亿枚炮弹。
整个世界发现了战争的狂热所掩盖的深深伤口。垂死者落下热泪,幸存者也跟着哭泣。因为在法国这片土地上,整个世界都来参与战斗。这些年轻人,来自法国各省和海外领地,他们来自非洲、太平洋、美洲和亚洲,在他们甚至不知道名字的村庄里,最后远离家人,就此长眠。
数以百万计来自各个国家的证人讲述了战斗的恐怖。恶臭的战壕、苍凉的战场、夜间伤员的哭声、曾经蓬勃发展的乡村被破坏,徒留被烧焦的枝干。许多回家的人们失去了青春、理想和生命的活力。许多人毁容、失明、被截肢。这场战争的赢家和输家在同样的哀悼中,经年累月地沉沦。
1918年,回首已是百年前。它似乎很遥远,然而同样像发生在昨天!
我看到最艰难的战事发生在法国的土地上。 我在这个国家的战争中看到了仍然灰暗且总是荒芜的战场。我看到被毁坏的村庄,没有居民可以重建它们。这些村庄,这里的残垣断壁,到今天仍只是人类疯狂的见证!
在法国的阳光下,我看到纪念碑上一列列法国与外国军人的名字;我看到我们士兵的尸体被埋在无辜的大自然中,正如我在乱葬岗中看到的那样,德国士兵与法国士兵的骨头并排埋葬在一起,他们曾在寒冷的冬天,在几米宽的土地上互相厮*......
这场战争的痕迹从来没有在法国的土地上消失,也没有在欧洲和中东的土地上消失,也没有在世界各地人们的记忆中消失。
让我们铭记!我们不能忘却!对这些牺牲的追忆,时刻劝诫我们,要配得上为我们而牺牲的人们。正是因为他们的牺牲,我们才可以自由地生活。
让我们记住:不要丢掉那些存于我们前辈的爱国主义中纯洁、理想和崇高的原则。法国作为一个慷慨、拥有理想、具有普世价值观的国家而存在,在那些黑暗的时刻,它反对那些自私自利、只关注自己利益的人。爱国主义与民族主义完全相反:民族主义是对爱国主义的背叛。“自身利益优先,不必在乎他人”这种言论,抹去了一个国家最珍贵的东西、赋予它生命力的东西、使其伟大必不可少的东西:它的道德价值。
让我们所有法国人铭记,在百年之前克列孟梭宣布胜利的那一天,在国民议会的讲台上,马赛曲无与伦比的合唱声响起:法国将永远是人权的斗士,自由的斗士,理想的斗士。
正是这些价值观和美德,使我们今天所尊重的、那些因为国家和民主的斗争中牺牲自己的人留下的遗产得以维持。正是这些价值观、这些美德给他们带来了力量,引领了他们的心灵。
大战的教训不能是一个民族对其他民族的怨恨,也不是忘记过去。它是一种根深蒂固的力量,迫使人们思考未来,并思考本质所在。
自1918年以来,我们的前人一直试图建立和平,他们构想了第一次国际合作,他们推翻了帝国,承认了民族国家并重新划定了边界;他们甚至梦想建立一个政治一体化的欧洲。
但是,战争的屈辱、复仇的念头、经济和道德危机推动了民族主义和极权主义的兴起。二十年后的第二次世界大战再次摧毁了和平的道路。
我脚下的这片土地,象征着所有为祖国而死的人。全世界的人们,今天在这里,在这个神圣的地方、埋葬了我们无名战士的地方,见证了你们的*聚集在一起!
他们每个人,都从他的人民那里领导着大批战士和烈士。他们每个人都代表年轻人愿意为之牺牲的希望——那就是一个最终恢复和平的世界,一个人民间的友谊胜过战争激情的世界,一个人类的话语必须比武器的威力更响亮的世界。在那里,和解的精神胜过愤世嫉俗的诱惑,和平的论坛允许昨天的敌人进行对话并达成协议,对和谐的承诺终于成为可能。
而这一承诺,它有着不同的名称。在我们这片大陆上,它被称为德国和法国之间的友谊,以及建立共同抱负的基础。它被称作欧盟,一个历史上从未见过的通过自愿创立的联盟,将我们从欧洲内战中解放出来。它还被称为联合国,合作精神的保卫者,捍卫这个命运紧密相连的世界,汲取了“国际联盟”(注:简称国联,一战结束巴黎和会召开后组成的跨政府组织,后被联合国所替代)和凡尔赛条约失败的痛苦教训。
可以肯定的是, 只要人们心存善念,最坏的情况将不会发生。善良的人们不会懈怠,毫无羞耻,也无所畏惧!
我知道,旧恶魔正死灰复燃,准备完成它们制造混乱和死亡的工作。新的意识形态在操纵宗教,提倡互相传染的蒙昧主义。有时候,历史可能会重新走上其悲惨的道路,威胁到我们的先辈用鲜血封存的和平遗产。
愿这个周年纪念日永远忠于逝者!让我们再次宣誓,国家会将和平放在首位,因为我们知道战争的代价,我们知道和平的分量,我们知道我们的愿望!
我们这里所有的政治*,必须在2018年11月11日这一天,向我们各国人民重申我们真正的、巨大的责任——给我们的孩子传递一个世世代代曾梦想过的和平世界。
让我们增加希望,而不是单纯反对恐惧!我们可以共同抵御全球变暖、贫困、饥饿、疾病、不平等和无知等幽灵的威胁。我们已经开始了这场斗争,我们可以赢得它:让我们继续吧,因为胜利是可能的!
我们一起,可以阻止正在扩大影响力的“背叛者”,即滋养谎言,接受不公正,侵蚀人们的根基,助长极端势力和当代蒙昧主义的人。
我们一起,可以继续创造那些在世界各地所看到的科学、艺术、贸易、教育和医学的非凡繁荣。因为只要我们希望,我们的世界就是新时代的曙光,是能够将人类的雄心和才能引致最高点的文明。
利用对退出、暴力和统治的迷恋来破坏这一希望,将是一个错误,是我们的后代必将担负的历史责任。今天在这里,让我们有尊严地面对未来的审判!
法国知道她对战士的亏欠,知道来自世界各地所有战士的功劳。她向他们的伟大鞠躬致敬。
法国向她曾经反抗过的其他国家的死者致以敬意和尊重。法国站在他们身旁。
诗人纪尧姆·阿波利奈尔(Guillaume Apollinaire)写到:“我们的双脚无法脱离包含逝者的土壤。”
在逝者长息的墓前,如果我们希冀、如果我们能够决定、如果我们去建造、如果我们用我们所有的灵魂要求它,那就可以确定,迎来一个更美好的世界是可能的。
2018年11月11日,在世界各地仍然可见疤痕的大屠*过去一百年之后,我感谢你们在一战结束一百周年纪念日,以博爱为名在此相聚。
愿这次纪念日集会不仅仅是这一天。事实上,我的朋友们,这份博爱带领着我们,共同领导唯一值得的一场战斗:争取和平、争取一个更美好世界的战斗。
人民间和国家间的和平万岁!
自由的世界万岁!
人民之间的友谊万岁!
法国万岁!
(翻译:曹诗佳 校对:黄菁旸 杜卿)
法语演讲原文:
Le 11 novembre 1918, à 11 heures du matin, il y a cent ans, jour pour jour, heure pour heure, à Paris comme dans toute la France, les clairons ont retenti et les cloches de toutes les églises ont sonné.
C’était l’armistice.
C’était la fin de quatre longues et terribles années de combats meurtriers. L’armistice pourtant n’était pas la paix. Et à l’Est, pendant plusieurs années, d’effroyables guerres se poursuivirent.
Ici, ce même jour, les Français et leurs Alliés ont célébré leur victoire. Ils s’étaient battus pour leur patrie et pour la liberté. Ils avaient consenti, pour cela, tous les sacrifices et toutes les souffrances. Ils avaient connu un enfer que nul ne peut se représenter.
Nous devrions prendre un instant pour faire revenir à nous cet immense cortège des combattants où défilent des soldats de la métropole et de l’empire, des légionnaires et des garibaldiens avec des étrangers venus du monde entier, parce que la France représentait, pour eux, tout ce qu’il y avait de beau dans le monde.
Avec les ombres de Peugeot, premier tombé, et de Trébuchon, dernier mort pour la France dix minutes avant l’armistice, voici l’instituteur Kléber Dupuy, défenseur de Douaumont, Apollinaire, Blaise Cendrars au régiment de marche de la légion étrangère, les soldats des régiments basques, bretons ou marseillais, le capitaine de Gaulle que personne alors ne connaissait, Julien Green, l’Américain, à la porte de son ambulance, Montherlant et Giono, Charles Péguy et Alain Fournier tombés dans les premières semaines, Joseph Kessel venu d’Orenbourg en Russie.
Et tous les autres, tous les autres qui sont les nôtres, auxquels plutôt nous appartenons, et dont on peut lire les noms sur chaque monument, des hauteurs solaires de la Corse aux vallées des Alpes, de la Sologne aux Vosges, de la pointe du Raz à la frontière espagnole. Oui, une seule France, rurale et urbaine, bourgeoise, aristocratique et populaire, de toutes les couleurs où le curé et l’anticlérical ont souffert côte à côte et dont l’héroïsme et la douleur nous ont faits.
Durant ces quatre années, l’Europe manqua de se suicider. L’humanité s’était enfoncée dans le labyrinthe hideux d’affrontements sans merci, dans un enfer qui engloutit tous les combattants, de quelque côté qu’ils soient, de quelque nationalité qu’ils soient.
Dès le lendemain, dès le lendemain de l’armistice, commença le funèbre décompte des morts, des blessés, des mutilés, des disparus. Ici en France, mais aussi dans chaque pays, les familles pendant des mois attendirent en vain le retour d’un père, d’un frère, d’un mari, d’un fiancé, et parmi ces absents, il y eut aussi ces femmes admirables engagées auprès des combattants.
10 millions de morts.
6 millions de blessés et mutilés.
3 millions de veuves.
6 millions d’orphelins.
Des millions de victimes civiles.
1 milliard d’obus tirés sur le seul sol de France.
Le monde découvrit l’ampleur de blessures que l’ardeur combattante avait occultée. Aux larmes des mourants, succédèrent celles des survivants. Car sur ce sol de France, le monde entier était venu combattre. Des jeunes hommes de toutes les provinces et de l’Outre-mer, des jeunes hommes venus d’Afrique, du Pacifique, des Amériques et d’Asie sont venus mourir loin de leur famille dans des villages dont ils ne connaissaient pas même le nom.
Les millions de témoins de toutes les nations racontèrent l’horreur des combats, la puanteur des tranchées, la désolation des champs de bataille, les cris des blessés dans la nuit, la destruction de campagnes florissantes où ne subsistait plus que la silhouette calcinée des arbres. Beaucoup de ceux qui sont rentrés avaient perdu leur jeunesse, leurs idéaux, le goût de vivre. Beaucoup étaient défigurés, aveugles, amputés. Vainqueurs et vaincus furent alors plongés pour longtemps dans le même deuil.
1918, c’était il y cent ans. Cela semble loin. Et pourtant, c’était hier !
J’ai arpenté les terres de France où se sont déroulés les combats les plus rudes. J’ai vu dans ces campagnes de mon pays la terre encore grise et toujours stérile des champs de bataille ! J’ai vu les villages détruits qui n’avaient plus d’habitants pour les reconstruire et qui ne sont aujourd’hui encore que le témoignage, pierre sur pierre, de la folie des hommes !
J’ai vu sur nos monuments la litanie des noms de Français côtoyant les noms des étrangers morts sous le soleil de France ; j’ai vu les corps de nos soldats ensevelis sous une nature redevenue innocente, comme j’avais vu, dans les fosses communes, se mêler les ossements des soldats allemands et des soldats français côte à côte qui, par un hiver glacial, s’étaient entre-tués pour quelques mètres de terrain…
Les traces de cette guerre ne se sont jamais effacées ni sur les terres de France, ni sur celles de l’Europe et du Moyen-Orient, ni dans la mémoire des hommes partout dans le monde.
Souvenons-nous ! N’oublions pas ! Car le souvenir de ces sacrifices nous exhorte à être dignes de ceux qui sont morts pour nous, pour que nous puissions vivre libres !
Souvenons-nous : ne retranchons rien de ce qu’il y avait de pureté, d’idéal, de principes supérieurs dans le patriotisme de nos aînés. Cette vision de la France comme Nation généreuse, de la France comme projet, de la France porteuse de valeurs universelles, a été dans ces heures sombres exactement le contraire de l’égoïsme d’un peuple qui ne regarde que ses intérêts. Car le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme : le nationalisme en est la trahison. En disant « nos intérêts d’abord et qu’importent les autres ! », on gomme ce qu’une Nation a de plus précieux, ce qui la fait vivre, ce qui la porte à être grande, ce qui est le plus important : ses valeurs morales.
Souvenons-nous, nous autres Français, de ce que Clemenceau a proclamé le jour de la victoire, il y a cent ans jour pour jour, du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, avant qu’en un chœur sans pareil n’éclate la Marseillaise : combattante du droit, combattante de la Liberté, la France serait toujours et à jamais le soldat de l’idéal.
Ce sont ces valeurs et ces vertus qui ont soutenu ceux que nous honorons aujourd’hui, ceux qui se sont sacrifiés dans les combats où la Nation et la démocratie les avaient engagés. Ce sont ces valeurs, ce sont ces vertus qui firent leur force parce qu’elles guidaient leur cœur.
La leçon de la Grande Guerre ne peut être celle de la rancœur d’un peuple contre d’autres, pas plus que celle de l’oubli du passé. Elle est un enracinement qui oblige à penser à l’avenir et à penser à l’essentiel.
Dès 1918, nos prédécesseurs ont tenté de bâtir la paix, ils ont imaginé les premières coopérations internationales, ils ont démantelé les empires, reconnu nombre de Nations et redessiné les frontières ; ils ont même rêvé alors d’une Europe politique.
Mais l’humiliation, l’esprit de revanche, la crise économique et morale ont nourri la montée des nationalismes et des totalitarismes. La guerre de nouveau, vingt ans plus tard, est venue ravager les chemins de la paix.
Ici, aujourd’hui, peuples du monde entier, sur cette dalle sacrée, sépulture de notre Soldat Inconnu, ce « Poilu » anonyme symbole de tous ceux qui meurent pour la patrie, voyez tant de vos dirigeants rassemblés !
Chacun d’eux mène à sa suite sa longue cohorte des combattants et des martyrs issus de son peuple. Chacun d’eux est le visage de cette espérance pour laquelle toute une jeunesse accepta de mourir, celle d’un monde enfin rendu à la paix, d’un monde où l’amitié entre les peuples l’emporte sur les passions guerrières, d’un monde où la parole des hommes doit parler plus fort que le fracas des armes, où l’esprit de conciliation l’emporte sur la tentation du cynisme, où des instances et des forums permettent aux ennemis d’hier d’engager le dialogue et d’en faire le ciment de l’entente, le gage d’une harmonie enfin possible.
Cela s’appelle, sur notre continent, l’amitié forgée entre l’Allemagne et la France et cette volonté de bâtir un socle d’ambitions communes. Cela s’appelle l’Union européenne, une union librement consentie, jamais vue dans l’Histoire, et nous délivrant de nos guerres civiles. Cela s’appelle l’Organisation des Nations unies, garante d’un esprit de coopération pour défendre les biens communs d’un monde dont le destin est indissolublement lié et qui a tiré les leçons des échecs douloureux de la Société des Nations comme du Traité de Versailles.
C’est cette certitude que le pire n’est jamais sûr tant qu’existent des hommes et de femmes de bonne volonté. Soyons sans relâche, sans honte, sans crainte ces femmes et ces hommes de bonne volonté !
Je le sais, les démons anciens resurgissent, prêts à accomplir leur œuvre de chaos et de mort. Des idéologies nouvelles manipulent des religions, prônent un obscurantisme contagieux. L’Histoire menace parfois de reprendre son cours tragique et de compromettre notre héritage de paix, que nous croyions avoir définitivement scellé du sang de nos ancêtres.
Que ce jour anniversaire soit donc celui où se renouvelle l’éternelle fidélité à nos morts ! Faisons, une fois de plus, ce serment des Nations de placer la paix plus haut que tout, car nous en connaissons le prix, nous en savons le poids, nous en savons les exigences !
Nous tous ici, dirigeants politiques, nous devons, en ce 11 novembre 2018, réaffirmer devant nos peuples notre véritable, notre immense responsabilité, celle de transmettre à nos enfants le monde dont les générations d’avant ont rêvé.
Additionnons nos espoirs au lieu d’opposer nos peurs ! Ensemble, nous pouvons conjurer ces menaces que sont le spectre du réchauffement climatique, la pauvreté, la faim, la maladie, les inégalités, l’ignorance. Nous avons engagé ce combat et nous pouvons le gagner : poursuivons-le, car la victoire est possible !
Ensemble, nous pouvons rompre avec la nouvelle « trahison des clercs » qui est à l’œuvre, celle qui alimente les contre-vérités, accepte les injustices qui minent nos peuples, nourrit les extrêmes et l’obscurantisme contemporain.
Ensemble, nous pouvons faire surgir l’extraordinaire floraison des sciences, des arts, des échanges, de l’éducation, de la médecine que, partout dans le monde, je vois poindre car notre monde est, si nous le voulons, à l’aube d’une époque nouvelle, d’une civilisation portant au plus haut les ambitions et les facultés de l’homme.
Ruiner cet espoir par fascination pour le repli, la violence et la domination serait une erreur dont les générations futures nous feraient, à juste titre, porter la responsabilité historique. Ici, aujourd’hui, affrontons dignement le jugement de l’avenir !
La France sait ce qu’elle doit à ses combattants et à tous les combattants venus du monde entier. Elle s’incline devant leur grandeur.
La France salue avec respect et gravité les morts des autres nations que, jadis, elle a combattues. Elle se tient à côté d’elles.
« Nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts » écrivait Guillaume Apollinaire.
Que sur les tombes où ils reposent, fleurisse la certitude qu’un monde meilleur est possible si nous le voulons, si nous le décidons, si nous le construisons, si nous l’exigeons de toute notre âme.
En ce 11 novembre 2018, cent ans après un massacre dont la cicatrice est encore visible sur la face du monde, je vous remercie pour ce rassemblement de la fraternité retrouvée du 11 novembre 1918.
Puisse ce rassemblement ne pas être seulement celui d’un jour. Cette fraternité, mes amis, nous invite, en effet, à mener ensemble le seul combat qui vaille : le combat de la paix, le combat d’un monde meilleur.
Vive la paix entre les peuples et entre les États !
Vive les nations libres du monde !
Vive l’amitié entre les peuples !
Vive la France !
(来源:世界报 Le Monde)
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